Certains… Certains… certains…

Je me décide enfin à témoigner. Cela fait maintenant deux semaines que nous avons accueillis, sur un coup de tête à 1h du matin, trois migrants venant d’Erythree. Nous pensions héberger de manière très ponctuelle. Le boulot, les enfants, les tracas quotidiens… plein de belles excuses pour nous donner bonne conscience en cas de difficulté… Finalement, nous n’avons cessé d’accueillir depuis ce jour la. Certains seront restés plusieurs nuits, d’autres n’auront fait qu’un bref passage chez nous. Certains auront fait preuve d’une grande discrétion, d’autres se sont intégrés à notre famille comme s’ils en faisaient partie depuis toujours. Certains ont mangé comme des ogres, d’autres n’ont presque rien mangé. Certains ont nettoyé toute notre maison, fait notre lessive et se sont occupés de nos enfants, d’autres ont dormi énormément. Certains ont illuminé nos journées et soirées avec des sourires et des rires sincères, d’autres nous ont inquiété par leurs silences et leurs désespoirs. Mais toutes ces expériences, sans aucune exception, ont été un réel bouleversement positif pour toute notre famille. Nous avons 6 enfants et sommes bien souvent dépassés par notre quotidien. Alors que nous n’osons pas souvent inviter des amis le temps d’une soirée avec nos 6 enfants, aujourd’hui nous en accueillons parfois 4 pendant plusieurs jours de suite. De 8 à la maison, nous passons à 10 ou 12. Cela m’effrayait avant. Mais aujourd’hui, je prend conscience que quelque soit le nombre de personnes qui vivent dans notre maison, certains êtres humains sont tellement extraordinaires qu’ils ne peuvent qu’être une force pour notre tribu. Comment expliquer qu’on se sente en sécurité en hébergeant des personnes qui cherchent eux même la sécurité ? Sans doute car ces personnes ont vécu tant d’horreur qu ils dégagent en eux une force incroyable ! Et cette force nous contamine :). Ce soir, notre petit dernier de 3 ans, pleurait à chaudes larmes dans on lit « je veux que M. et E. reviennent demain après leur travaillent. Je ne veux pas qu’ils partent ». Les plus grands nous proposent de solutions « on pourrait les adopter? » ou « on pourrait construire un hôtel pour eux dans le jardin ». Ils ont tout compris ! Et nous, ce soir, on est déjà nostalgique de les quitter demain. Dans un coin de notre tête, on aimerait les revoir, les ré accueillir, le revoir jouer au chevalier et faire des dessins avec nos enfants, partager encore des soirées avec eux autour d’un feu avec de la musique éthiopienne… mais nous savons aussi que leur rêve ultime est d’atteindre l’Angleterre. Alors nous rions ensemble à l’idée de les y rejoindre un jour pour nos vacances. E. et M. n’ont que 20 ans. Ils sont mariés depuis 3 ans et sont amoureux comme jamais ! Dans 7 mois, ils seront d’heureux parents… comment ne pas s’inquiéter de leur avenir ? Pour terminer ce témoignage, je dirais simplement que l’hébergement de ces personnes n’est pas qu’une histoire de logistique. Il s’agit d’un réel investissement émotionnel qui est inévitable. Mais je peux assurer à tous ceux il hésitent encore, que ces personnes nous donnent 10000x plus que ce que nous leur donnons !